Page 16 - revue_N24_novembre_2018
P. 16

Vengeance  ou  affirmation  d'un  lence, brutale et visible, l'insère  tention, elle sera entravée voire
          leadership  dans  un  univers  par  dans un monde où les règles de  droguée  de  force.  Les  sévices
          nature  peu  partageur,  l'atteinte  vie  sont  fondées  sur  la  loi  du  seront  exercés  avec  davantage
          violente aux biens d'un rival est  plus  fort.  Certes,  en  s'embour- de facilité. Le voisinage ne sera
          une  tentation  récurrente  du  geoisant,  le  malfaiteur,  devenu  pas  alerté  ou  ne  dira  rien,  par
          crime organisé. Le signal donné  respectable,  s'épargnera  volon- peur de représailles.
          est sans ambiguïté. Il s'agit bien  tiers  l'usage  de  la  force  phy-  Magistrats et enquêteurs savent
          souvent  d'une  première  étape  sique  à  l'encontre  de  ses  enne-  ainsi  que  la  loi  des  cités  s'ac-
          dans la démonstration de sa ca- mis.  Il  la  déléguera  à  un  com-  commode d'actes inqualifiables,
          pacité  de  nuisance.  Une  grada- parse,  fidèle  lieutenant  dont  il   le plus souvent liés au trafic de
          tion  de  l'acte  agressif  et  des  conviendra  toutefois  de  se  mé-  drogue.  Des  violences  graves
          éventuelles  représailles  déter- fier. Le pouvoir se prend par la   sont  perpétrées  dans  les  sous-
          minera  l'intensité  du  conflit  force  !  Mais  le  naturel  revenant   sols. La punition du vol d'argent
          entre  malfaiteurs.  À  bas  bruit  vite,  il  fera  preuve  de  la  plus   ou de produit stupéfiant est sé-
          dans un premier temps, ce con- grande violence afin de démon-       vèrement  réprimée  par  ceux  là
          flit  se  manifestera  tôt  ou  tard  trer son autorité. Contester celle  mêmes qui organisent le négoce
          par  une  action  spectaculaire,  -ci, c'est s'exposer gravement. Il   criminel.  Cette  violence  sau-
          destinée à marquer les esprits.   sait  aussi  que  sa  victime,  en   vage,  interne  à  cette  économie
                                            marge  comme  lui,  ne  le  dénon-
          Si la querelle ne peut être vidée                                   souterraine  et  strictement  codi-
          par  un  acte  matériel  aussi  vio-  cera pas.                     fiée, est quasiment acceptée par
          lent  soit-il,  s'en  prendre  physi-  i.  Les actes de torture et de  la  victime.  Celle-ci  souffre  en
          quement  à  son  adversaire  est     barbarie,  démonstration  de  silence.  Les  stigmates  de  ses
          une  nécessité  bien  comprise       puissance                      blessures  (par  cigarettes,  cou-
          pour  le  banditisme.  Là  encore,   Punis par le Code pénal comme   teau,  cutter,  introduction  d'ob-
          une gradation des actes de vio-   une  infraction  sui  generis   ou   jets…)  ne  sont  pas  exposés  à
                                                                        11
          lence  corporelle  opérées  té-   comme  une  circonstance  aggra-  l'autorité  publique.  Les  repré-
          moigne de la volonté criminelle   vante , les acte de torture et de   sailles  n'en  seraient  que  plus
                                                  12
          de leur auteur.                                                     redoutables.
                                            barbarie sont mal connus quand
                                            ils s'exercent dans le monde du  Faire souffrir, user de cruauté et
          B. Les atteintes à la personne    banditisme.    Rares   sont   les  humilier  pour  mieux  dominer
          non  mortelles  ou  comment       plaintes  déposées  par  les  vic- ou  se  venger,  tels  sont  les  ob-
          montrer sa force                  times,   elles-mêmes     insérées  jectifs  recherchés.  Montrer  sa
                                            dans  le  crime  organisé  et  à  ce  dureté et son insensibilité est la
          L'aptitude  à  la  violence  est  le
          caractère  premier  du  bandi-    titre  liées  par  la  loi  du  silence.  loi  du  milieu,  une  exigence
          tisme.  De  tous  temps,  en  tous   Révéler  les  violences  subies  se- même  destinée  à  consolider  un
          lieux,  le  crime  organisé  mani-  rait  aussi  avoir  à  expliquer  les  pouvoir durement gagné et tou-
          feste son goût pour l'acte agres-  raisons de celles-ci et donc l'im- jours  incertain.  Avoir  l'autre  à
          sif dont il use avec un discerne-  plication  dans  des  agissements  sa  merci,  le  marquer  dans  sa
          ment  variable.  De  la  gifle  à  la   illicites.                  chair  et  donc,  afficher  sa  puis-
          tuerie , le spectre des violences  La  séquestration  précède  les   sance  consolident  le  respect,
                10
          le  plus  large  s'offre  à  lui.  Il  se  violences.  Elle  les  facilite  en   une  nécessité  vitale  dans  l'uni-
          doit  d'y  recourir  sans  égard  mettant  la  victime  dans  les   vers criminel.
          pour  les  souffrances  endurées  mains  de  ses  agresseurs,  proie  La recherche de la souffrance im-
          ou  le  risque  pénal  encouru.  La  vulnérable  coupée  de  ses  sou- posée ne va pas jusqu'à la mort. Il
          violence physique est de néces- tiens.  Venue  confiante,  elle  se  s'agit  de  doser  les  sévices,  de
          sité vitale pour lui. Elle lui con- voit privée de sa liberté et con- faire  mal,  terriblement  mal  sans
          fère le respect, suscite la crainte  finée  dans  un  endroit  discret,  mettre  en  péril  la  vie  de  la  vic-
          et  facilite  l'entreprise  crimi- insonorisé et propice à tous les  time. Un excès de souffrance peut
          nelle.  Sans  elle,  le  délinquant  excès.
L'enlèvement  peut  s'avé- certes causer le décès mais celui-
          professionnel n'est rien ou bien  rer nécessaire si la victime dési- ci n'est pas recherché en tant que
          peu.  Elle  est  consubstantielle  à  gnée  est  méfiante.  Conduite  en  tel.  Il  faut  que  la  victime  sache
          son  activité  illicite.  Cette  vio- véhicule jusqu'au lieu de sa dé- qu'elle a enfreint la règle et que



         16

                                                      N 24– Novembre 2018
                                                       °
   11   12   13   14   15   16   17   18   19   20   21