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Parmi les drogues illicites, pour mation est autorisée en prison, effets désocialisant de l’usage de
le cannabis, qui est majoritaire- ou pour l’alcool et les drogues crack, ce sont surtout deux pro-
ment fumé avec du tabac en illicites, interdits derrières les duits psychoactifs licites qui gé-
France, la baisse des niveaux murs. Une récente étude réali- nèrent le plus de dommages so-
d’expérimentation et d’usage sée dans les Pays de la Loire ciaux. La généralisation des trai-
est plus modérée que pour le (COSMOS - COnsommation de tements de substitution aux
tabac. Le cannabis dispose en- Substances et Médicaments au opioïdes à la fin des années 1990
core d’une image relativement sein de pOpulations carcéraleS) et la reconnaissance des mesures
« positive » chez les jeunes (en auprès des personnes incarcé- de réduction des risques et des
particulier pour l’herbe de can- rées depuis 3 mois permet de dommages (distribution de maté-
nabis). Les autres drogues illi- mieux comprendre ces trajec- riel, accueil dans des structures
cites restent peu expérimentées toires de consommation en pri- dédiées, information/prévention,
avant l’âge de 18 ans. son : la plupart des usages ces- etc.) ont contribué à diminuer les
sent en détention car les pro- décès et les contaminations (VIH/
Par contre, la persistance des
pratiques d’inhalation (colle, duits ne sont pas ou très peu VHC) chez les usagers de
solvant, protoxyde d’azote) mé- disponibles, sauf pour le canna- drogues. Toutefois, malgré l’amé-
rite d’être mieux documentée. bis où la baisse est très ré- lioration des traitements et des
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En effet, il s’agit pour la plupart duite . prises en charge, le risque de sur-
du temps de détournement de Toutefois, ces évolutions ne mortalité chez un usager de
produits dont la vente est auto- doivent pas faire oublier que drogues reste 7 fois plus élevé
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risée et dont la fugacité des ef- l’usage de drogue en milieu car- que la population nationale .
fets peut laisser accroire que céral pose des enjeux majeurs Enfin, un point de vigilance de-
leurs usages comportent peu de de santé publique en matière de meure important concernant
risques. En la matière, il con- continuité de soins (avant, pen- l’usage d’opioïdes qui est tou-
vient d’adopter un discours de dant et après l’incarcération), de jours à l’origine d’une majorité
prévention adapté, c’est-à-dire réduction des risques et des des décès par surdoses. Ces dé-
qui ne soit pas culpabilisant dommages (en particulier pour cès sont principalement liés à la
mais qui apporte des informa- les pratiques de sniff ou d’injec- méthadone et à l’héroïne mais
tions précises aux jeunes tout tion car l’accès au matériel n’est la buprénorphine haut dosage
en leur permettant de faire des toujours pas le même qu’en mi- (Subutex ) et d’autres médica-
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choix éclairés (savoir dire non/ lieu libre) et surtout de vio- ments opioïdes peuvent être
résister à la pression du lences (entre personnes déte- concernés (comme le tramadol).
groupe…). La Mildeca et l’Éduca- nues en raison des trafics mais Ni la France, ni l’Europe ne con-
tion nationale soutiennent ce aussi en direction des person- naissent une situation de crise
type de programmes visant à nels pénitentiaires ou d’autres similaire à celle de l’Amérique
renforcer les compétences psy- intervenants). du Nord, mais les pouvoirs pu-
chosociales des jeunes et dont blics restent mobilisés pour pré-
l’efficacité est bien évaluée au L.R.D.G. : Quels dommages sa- venir les risques liés à ces sur-
niveau international . nitaires et sociaux occasion- doses, en facilitant par exemple
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nent les usages de drogue ? l’accès à la naloxone.
L.R.D.G. : Quelle est l’ampleur
de l’usage des drogues en pri- Rappelons tout d’abord ces 3
son ? chiffres : chaque année, en L.R.D.G. : Quelle place tient la
France, le tabac est responsable France parmi les pays consom-
Les personnes détenues présen- de 73 000 décès, l’alcool de mateurs de drogues en Europe
tent de manière globale un niveau 41 000 et les drogues illicites et dans le monde ?
d’expérimentation et d’usage de 1 800.
produits psychoactifs plus im- Grâce à l’Observatoire européen
portant que la population géné- Ainsi, même si la société reste des drogues et des toxicoma-
rale avant leur incarcération. encore marquée par le lien fort nies, nous pouvons avoir une
Ces usages de s’arrêtent pas entre l’injection d’héroïne et l’épi- vision assez précise du niveau
tous en détention que ce soit démie de sida à la fin des années d’usage des drogues illicites en
pour le tabac, dont la consom- 1980, ou plus récemment par les France par rapport à nos voisins
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N 31– Octobre 2020
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