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complètement exclus du pro- gnages de personnes détenues pour ce qui concerne les psycho-
gramme pourraient être eux aus- en font état- la coexistence entre logues, les personnes détenues
si concernés. djihadistes appartenant à des ne sachent pas quel usage peut
La CGLPL faisait un bilan des vi- factions rivales créée des tensions être fait des entretiens qu’elles
sites et entretiens conduits de fa- potentiellement extrêmement dan- ont avec elles. Mentionnée à plu-
çon approfondie pendant les gereuses. Il a paru paradoxal aux sieurs reprises au cours de la
quatre mois qu’a duré sa mission. contrôleurs -et ceci a été relevé mission, la difficulté pour les
par plusieurs interlocuteurs- que prévenus de s’exprimer sur les
Sur la question du regroupe- l’administration rassemble des faits qui leur sont reprochés ne
ment, son avis restait le même : personnes que la justice poursuit saurait leur porter grief : elles
il présente plus d’inconvénients pour association de malfaiteurs. sont en effet présumées inno-
que d’avantages. Alors que ses centes, et il a paru aux contrô-
critiques sur l’absence de cadre La CGLPL a aussi pointé le rôle leurs particulièrement attenta-
légal donné au placement en de la surpopulation pénale sur la toire à leurs droits qu’il soit pos-
unité dédiée avaient été rejetées création de ces unités. En effet, sible d’en tirer argument.
par les responsables de l’admi- particulièrement sensible dans
nistration pénitentiaire, la CGLPL les établissements de la région En conclusion, ce deuxième rap-
notait avec satisfaction que la loi parisienne où sont détenues la port estimait que l’extension du
du 3 juin 2016 dans son article plupart des personnes mises en modèle expérimental des unités
726-2 du Code de procédure pé- cause dans des dossiers de ter- dédiées n’était pas réaliste, car il
nale prévoyait que la mesure rorisme islamiste en raison de la paraissait sous-dimensionné en
d’affectation pouvait désormais spécialisation du TGI de Paris, la regard des enjeux. Et potentielle-
faire l’objet d’un recours devant surpopulation est mise en avant ment dangereux car il est por-
le juge administratif. par l’administration pour justi- teur par sa nature-même de
fier le regroupement. Alors que risques quant à l’exercice de cer-
La CGLPL regrettait que la quali- le surencombrement des établis- tains droits fondamentaux.
fication terroriste reste le critère sements est -comme il n’est plus
unique d’affectation, même si besoin de le démontrer- un frein Dans une lettre datée du 6 juillet
l’entrée par une « deuxième à la réinsertion, la prise en 2016, le ministre de la Justice,
voie », pour des personnes in- charge de personnes radicalisées Jean-Jacques Urvoas répondait
carcérées pour d’autres faits nécessitant une attention parti- au rapport du CGLPL. Il précisait
était en théorie, mais en théorie culière y serait dans ces condi- qu’aucune décision d’extension
seulement, envisagée. Le régime tions empêchée. des unités dédiées n’avait été
particulier de détention organisé prise, ni ne le serait tant qu’une
dans les unités dédiées entraî- La CGLPL a été saisi à plusieurs évaluation fine ne serait pas
nait des effets pervers. Ainsi, reprises par les avocats de leurs faite. Le regroupement n’aurait
l’accès au travail, à la formation clients détenus en unité dédiée. pas eu pour but de rendre
professionnelle étaient rendus Au-delà des conditions de déten- « étanche » les unités dédiées du
pratiquement impossible. En tion proprement dites, ils insis- reste de la détention, mais de
contradiction avec les objectifs tent sur les conséquences néga- « faciliter la prise en charge des
affichés, l’étanchéité des unités tives que cela entraîne dans l’es- personnes détenues sans les isoler
dédiées des autres quartiers prit des magistrats, pour qui le du reste de la population de l’éta-
n’était pas du tout assurée. Si les fait d’être affecté en unité dé- blissement ». Une clarification du
contacts étaient de fait limités, diée peut constituer un indice rôle des binômes de soutien serait
ils continuaient d’exister, ne se- de dangerosité supplémentaire. opérée. Si les personnes placées
rait-ce qu’au cours des mouve- La CGLPL a considéré ces obser- en unité dédiée ne l’ont en effet
ments. Plusieurs incidents ont vations comme légitimes. pas été sur la base du volontariat
montré que la communication L’ambiguïté du rôle des binômes et si certaines d’entre elles ont
entre personnes détenues dans de soutien devrait faire l’objet manifesté leur désaccord, de meil-
les unités dédiées et les autres d’une clarification déontologique : leures conditions de détention et
subsistaient. Au sein même des il n’est pas acceptable aux yeux un intérêt pour les programmes
unités dédiées -plusieurs témoi- de la CGLPL que, en particulier de prise en charge auraient levé
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N 19– Juillet 2017
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