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processus de radicalisation ». commun, mais qui pouvaient CGLPL préconisait enfin une ré-
Aucun programme de prise en être engagés dans une démarche flexion approfondie des pou-
charge spécifique n’était mis en d’islamisme violent. voirs publics sur la prise en
place. Hormis la promenade et Dans sa conclusion, la CGLPL, charge des personnes de retour
une partie des activités spor- bien consciente que les expé- des zones de conflit, estimant
tives, les autres activités se dé- riences étrangères ne permettent que l’incarcération ne pouvait
roulaient en compagnie d’autres nullement de définir une ap- être le seul mode de traitement
personnes détenues, ce qui dé- proche modélisable, comme le de cette situation.
montrait aisément que le prin- montrent d’ailleurs les change- Considérant que l’importance du
cipe d’étanchéité entre les diffé- ments de pied répétés souvent sujet et des risques encourus, la
rentes parties de la détention opérés au gré de l’actualité, et CGLPL a décidé de publier au JO
n’existait pas.
tout en comprenant parfaite- un avis reprenant les principaux
ment la difficulté de la tâche, a éléments de ce rapport et des
S’agissait-il vraiment de
« dupliquer » ce modèle ? regretté que la France ait tardé à enseignements qu’il en a tirés.
visites à la Maison d’arrêt d’Os- prendre en compte la question Dans une lettre du 26 juin 2015,
ny aux mois de mars et d’avril de la radicalisation islamiste en la garde des Sceaux a répondu
2015 permettaient de poursuivre détention. Elle a critiqué le fait aux observations et réserves de
la réflexion. En effet, dans cet que le placement dans des uni- la CGLPL. Il y est notamment con-
établissement, se déroulait de- tés dédiées, décidé de façon dis- testé que les personnes détenues
puis plusieurs mois une expé- crétionnaire par la direction des dans une unité dédiée soient assu-
rience de « recherche-action » établissements concernés, ne soit jetties à un régime de détention
conduite par des sociologues susceptible d’aucune des voies spécifique, ce qui expliquerait le
très impliqués depuis longtemps de recours habituelles, alors choix du mot « unité » et non celui
dans la recherche en milieu pé- qu’il présente le risque de res- de « quartier ». L’ensemble des
nitentiaire. Leur mission consis- treindre les droits fondamentaux droits de ces personnes y seraient
tait à élaborer des outils de prise des personnes détenues et de respectés, (maintien des liens fa-
en charge de la radicalisation détériorer leurs conditions de miliaux, accès aux activités de
avec des personnes détenues détention. En effet, selon l’ana- travail, de formation, et socio-
volontaires, sans qu’un regrou- lyse de la CGLPL, aucune disposi- culturelles). Les décisions d’af-
pement soit alors envisagé. In- tion légale existante ne corres- fectation seraient « des mesures
vestir la période de détention pond au statut d’une personne d’ordre intérieur ». À l’avenir,
pour limiter et amoindrir la dan- détenue dans un quartier dédié, même si les personnes dirigées
gerosité, tenter de faire évoluer dont le régime ne s’apparente ni vers les unités dédiées seraient
les certitudes, instiller du doute, tout à fait à la détention ordinaire « principalement » des personnes
réfléchir au parcours de vio- ni à la mise à l’isolement. L’ab- écrouées pour des faits liés à
lence : la démarche paraissait à sence d’information -à ce stade- l’islamisme radical, celles consi-
l’opposé de celle qui avait été sur les modalités d’encadrement dérées comme radicalisées et
mise en oeuvre à Fresnes, où, de et de précisions sur le régime de prônant une action violente mais
même qu’il existe des « sorties détention laisse plutôt craindre un incarcérées pour des faits de
sèches » de prison, on assistait à glissement vers une forme d’isole- droit commun pourraient aussi à
un mode d’incarcération consis- ment qui ne dit pas son nom. l’avenir y être dirigées. Des pré-
tant en un « regroupement sec », C’est pourquoi la CGLPL a considé- cisions étaient apportées sur la
une mise à l’écart sans prise en ré qu’il ne pouvait être favorable répartition des personnes déte-
charge. Les critères d’affectation au regroupement tel qu’il a été nues concernées : sur la base du
retenus à Fresnes (l’incrimination présenté par les autorités. volontariat, les personnes
ou la condamnation pour des faits Les programmes de prise en « accessibles à une remise en
en relation avec une entreprise charge, dès lors qu’ils sont affi- question » seraient plutôt en-
terroriste) ne paraissaient pas chés comme destinés à un pu- voyées à Osny et Fleury-Mérogis,
satisfaisants aux yeux de la blic volontaire, ne suscitaient en tandis que « les plus opposantes »
CGLPL, puisqu’ils ne concer- revanche pas de réserve de prin- seraient transférées à Lille-
naient pas les personnes déte- cipe, mais devraient faire l’objet Annoeullin, où l’unité dédiée ins-
nues pour des faits de droit d’évaluations régulières. La tallée dans le quartier maison
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N 19– Juillet 2017
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