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DOCTRINE JURIDIQUE
L’ACTION PUBLIQUE FACE À L’EXIGENCE
RENFORCÉE DE PROBITÉ :
DE LA RÉPRESSION À LA PRÉVENTION DES CONFLITS
D’INTÉRÊTS DES AGENTS PUBLICS
ALEXANDRE TRÉMOLIÈRE
MAGISTRAT, CHEF DU BUREAU DU DROIT PÉNAL, DU DROIT PRIVÉ ET DE LA DÉONTOLOGIE À LA DIRECTION DES
AFFAIRES JURIDIQUES DU MINISTÈRE DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE ET SOLIDAIRE ET DU MINISTÈRE DE LA
COHÉSION DES TERRITOIRES ET DES RELATIONS AVEC LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Les opinions exprimées dans le présent article n’engagent que l’auteur, et non l’institution à laquelle il
appartient.
S 1 foi politique et de ne pas se lais-
i la problématique de la confiance et de compétitivité sur fasse un genre de n’avoir aucune
moralisation de la vie pu- la scène internationale » .
ser prendre à la probité des gou-
blique est désormais bien
ancrée dans le débat public, ce Se rattachant directement à l’exi- vernants. C’est une manière de
n’est qu’au cours de la décennie gence de probité, la prévention prendre sa revanche, et aussi de
écoulée que la question des con- de ces conflits d’intérêts revêt faire croire qu’il est initié aux
flits d’intérêts est devenue cen- une dimension particulière dans hauts secrets » .
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trale dans la déontologie des ac- l’objectif de renforcement de la
teurs publics. Qu’il s’agisse de confiance entre les acteurs pu- L’équilibre entre intérêt général
lutter contre la corruption, de blics et les citoyens. La transpa- et intérêt privé sur lequel repose
veiller à l’impartialité des déci- rence, au-delà des exigences résul- l’exigence de probité a forte-
sions publiques ou, plus globale- tant de l’article 15 de la Déclara- ment évolué au cours des der-
ment, de garantir leur transpa- tion de 1789, apparaît comme un nières décennies. Au fil de l’ac-
rence, les enjeux attachés à la préalable au respect par les ac- tualité, aux poursuites engagées
prévention des conflits d’inté- teurs publics de leurs obliga- et aux sanctions parfois pronon-
rêts sont désormais majeurs. tions de probité et d’impartiali- cées pour prise illégale d’inté-
Comme le relevait le rapport de té. Pourtant, cette approche sou- rêts, favoritisme ou détourne-
la Commission présidée par le lève deux difficultés : d’une ment de biens publics, a succédé
Vice-président du Conseil d’État part, elle présente un risque une réflexion préventive desti-
Jean-Marc Sauvé, l’objectif est à pour la vie privée des intéressés, née à protéger l’intérêt général,
la fois « d’assurer la confiance et, surtout, d’autre part, cette mais également les acteurs pu-
mutuelle entre les citoyens et les exigence peut rapidement blics eux-mêmes contre des
agents qui incarnent l’autorité perdre tout caractère raison- mises en cause, dont la crois-
ou le service publics, de sécuriser nable, voire rationnel. Déjà, au sance est à la fois le fruit d’une
l’action publique et ceux qui y milieu du XIXème siècle, Renan attention accrue mais également
participent en protégeant ces nous prévenait : « De même d’abus. Si les scandales média-
derniers contre les risques de qu’au XVIIIe siècle il était de tiques ne doivent pas avoir pour
conflits ou de soupçons de con- mode de ne pas croire à l’hon- effet ni de négliger l’atteinte que
flits d’intérêts et, par suite, de neur des femmes, de même il de discrets arrangements à la
préserver la réputation de la n’est pas de provincial quelque règle portent à l’exigence d’exem-
puissance publique, élément de peu leste qui, de nos jours, ne se plarité des acteurs publics, ni se
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N 25– Décembre 2018
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