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à Washington pour des échanges que le ministère de la Justice passe d’abord par une opération
franco-français afin de présen- estime que le critère de « cause appelée « filtre », de la seule
ter, dès le départ, la meilleure probable » n’est, in fine, pas suf- compétence du FBI.
demande possible. Dès que vali- fisamment rempli et dès ce Cette ultime étape est légale et
dée, elle doit être traduite avant stade, la porte se referme puis- même obligatoire puisque tout
d’être transmise à l’autorité cen- qu’il est alors impossible d’obte- mandat de perquisition d’un
trale française (bureau de l’en- nir la donnée de contenu sans juge doit être exécuté conformé-
traide pénale du ministère de la que l’enquêteur français n’en ment aux dispositions de la loi
justice) qui la transmet officiel- soit même informé puisque le américaine dont le FBI est le gar-
lement. retour d’exécution n’intervient dien. Il doit donc veiller à ce que
que bien plus tard.
Côté américain, les choses se les données transmises par le
compliquent encore davantage. Dès lors, dès ce moment, la de- fournisseur n’excèdent pas ce
Elle est d’abord envoyée au ma- mande française n’est plus celle qui a été autorisé par le juge et
gistrat de liaison américain à d’origine mais une version amé- ce qui correspond à l’enquête.
Paris, point d’entrée officiel de ricaine dont on ne sait si elle En effet, toutes les conversa-
toutes les demandes judicaires correspond ou si elle a été cen- tions pour lesquelles la « cause
françaises qui l’attribue, ensuite, surée. probable », c’est-à-dire le lien
à un procureur américain du bu- Dans ce deuxième cas, la section avec le crime ou l’enquête, ne
reau de l’entraide internationale, cyber va alors demander au juge serait pas démontrée doivent
section cyber du ministère de la les données de « transaction ». être expurgées des pièces d’exé-
Justice. La demande fait alors Le juge va ou non délivrer un cution. De plus, le FBI opère aus-
l’objet d’une véritable analyse ordre d’obtention de ces don- si un contrôle de proportionnali-
qui prend parfois plusieurs se- nées qui sera alors envoyé au té ou de nécessité en retirant les
maines au cours desquelles de fournisseur. contenus qu’il considère ne pas
très nombreux échanges franco- être nécessaires à l’enquête et
américains ont lieu pour étoffer, Deuxième difficulté : il n’y a pas ce, avec une connaissance extrê-
expliquer la demande afin de de délai de réponse prescrit par mement limitée du dossier ne
l’« américaniser », c’est-à-dire de la loi ; l’ordre du juge américain reposant que sur la commission
la présenter selon les règles peut fixer un délai mais son ab- rogatoire de départ et de la
américaines, et ce, pour un dos- sence d’exécution du fournis- langue de ces conversations qui
sier qui n’a, rappelons-le, stric- seur dans le délai imparti n’est peut être du français familier
tement rien à voir avec les États- jamais sanctionnée. voir de l’argot.
Unis. Troisième obstacle et non des Ainsi, les données transmises
Ainsi, une enquête française moindres : dans le meilleur des sont passées au « peigne fin »
pour un meurtre commis en cas, assez rare, si le procureur par des agents qui ne connais-
France par un français devra américain estime que la de- sent pas le dossier et qui, de
suivre ce chemin américain, tra- mande française satisfait au sa- surcroît, à la date d’aujourd’hui,
cé par le parlement de ce pays cro-saint principe de « cause ne sont que six pour traiter les
selon un système totalement probable » et que le dossier pré- demandes du monde entier.
étranger au nôtre pour la seule sente suffisamment d’éléments Ce « filtre » doit s’opérer conte-
raison que la donnée est détenue pour demander à un juge un nu par contenu et ce pour des
par un tiers, en l’espèce un four- mandat de perquisition, là aussi, demandes parfois de mails sur
nisseur implanté aux États-Unis. la suite, pour l’enquêteur fran- plusieurs années.
çais reste totalement mysté-
Une fois le procureur américain rieuse et incontrôlable. Quelle Il n’est pas rare d’obtenir ainsi
satisfait qu’il dispose du meil- est la décision du juge ? Que de- des données qui, trop expur-
leur dossier possible, il opère un mande-t-il au fournisseur et gées, ne contiennent hélas plus
choix sans consulter plus avant dans quel délai ? guère de valeur ajoutée pour
le demandeur français. l’enquête.
Il faut savoir que lorsqu’un con-
Ainsi, alors que l’enquêteur fran- tenu est transmis par un fournis- Ainsi, il apparaît qu’obtenir des
çais a demandé des données de seur, il n’est pas transmis direc- données de contenu et ce alors
contenu, il se peut, et c’est le tement à l’enquêteur français ni même que la France fait partie
cas dans la plupart des dossiers, même à l’autorité centrale mais des pays les mieux placés pour
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N 32– Décembre 2017
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