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écrans et des plates-formes ment limités par une manipula- fecte l’élite comme les strates
d’achat. Certains dirigeants de tion de la base taxable. Les exo- mineures, est susceptible de po-
sociétés fraudent aussi, quelques nérations, des crédits d’impôts, ser quelques problèmes relevant
pratiques particulièrement raffi- des régimes de faveur (rescrits) de l’éthique des gouvernants.
nées sont décortiquées, en parti- et les fraudes (valeurs de trans- L’ouvrage identifie les procédés
culier le fait de majorer considé- ferts et montages tout aussi généralement utilisés pour gom-
rablement les commissions ver- classiques destinés à réduire les mer les effets des procédures
sées par l’entreprise à un four- bénéfices) ne manqueront pas anticorruption et pour contour-
nisseur qui finance ainsi l’activi- d’impacter le processus engagé, ner les réglementations mises
té d’une entreprise personnelle, et rien n’est précisé sur le ré- en place à la suite des directives
les montants se comptant par gime de la propriété intellec- OCDE et Onusiennes relatives à
millions d’euros, ce qui dé- tuelle ! Attendons donc les aména- la corruption transnationale. Il
montre que l’imagination est gements finaux avant de nous ré- précise comment, pour ces
aussi au pouvoir dans ce do- jouir, il ne faudrait pas que cela mêmes raisons, certains services
maine. devienne un « emmental fiscal baissent discrètement les yeux.
avec beaucoup de trous » ! selon Les entreprises, pour leur part,
Cette étude des caisses noires
est complétée par une descrip- l’expression du fiscaliste genevois savent faire évoluer les mon-
Thierry Boitelle ( Le Temps, 9 juin tages protégeant le paiement de
tion des comportements ordi-
naires, peu, voire pas du tout 2021, Sébastien Ruche). commissions voire de rétrocom-
missions en apprêtant des mon-
transparents (pas de publication L’analyse des dépenses de l’État
du chiffre d’affaires dans les largement incontrôlées qui sont tages écrans aussi alambiqués
pays, dans le cloud, opacité des l’objet des critiques des grands qu’efficaces. Le but recherché
étant de rendre le contrôle ino-
algorithmes etc.), et complexes à organismes de contrôle finalise
souhait des multinationales et cette partie. pérant en l’absence de dénoncia-
tion, de contentieux inattendu
des GAFAM camouflées sous la En matière de fraudes et de
fiction de l’optimisation fiscale « dépenses de l’État » c’est bien ou d’intervention américaine.
et posant le problème des oligo- « un pognon de dingue » qui est Ainsi, une organisation élaborée
autour de structures ad hoc est
poles privés ne pouvant être ré- perdu pour l’État et pas unique-
gulés que par une réglementa- ment là où on le dénonce à grands établie afin que le flux versé aux
commissionnés illégitimes, sou-
tion ferme. Les propositions cris.
américaines dont on semble se vent « splittés » (prestataires et
féliciter en apparence préconi- L.R.D.G. : En quoi consiste l’hy- sous prestataires domiciliés dans
des paradis fiscaux différents)
sent la mise en place d’une taxa- per corruption dont vous faites
tion de 21 % réduite à 15 % mention dans votre livre ? et en provenance d’un cadre or-
semble acceptée, du bout des La globalisation, un monde multi- ganisationnel peu contrôlable ne
permettent pas d’atteindre les
lèvres, mais un lobbying effréné polaire, de nouvelles hiérarchies
est en cours. Les pays dont le économiques, les prouesses des corrupteurs. Les flux corruptifs
passent aussi par des faux in-
taux d’imposition est moindre techniciens du faux et la crimina-
que le taux envisagé, l’Irlande, lisation des économies ont en- vestissements, par des paie-
Chypre, la Pologne et la Hongrie, gendré une hyper corruption, ments de facilitation et par tant
d’autres pratiques frauduleuses
y sont évidemment opposés ce facteur essentiel de l’aggrava-
qui n’est pas une surprise. tion des dérives frauduleuses bien connues et toujours effi-
caces.
Les entreprises devraient donc qui s’accomplissent dans la
payer là où elles réalisent leurs rente des corrompus et jamais Les États-Unis semblent avoir
profits et non au lieu de leur dans la redistribution. De plus conçu la lutte anticorruption
siège social. Pour ma part, j’es- les kleptocrates, ils sont nom- comme l’un des moyens de limi-
time que si la fixation d’un taux breux, ne favorisent pas les dy- ter le développement des multi-
d’imposition fixe semble consti- namismes mais le conservatisme nationales souvent européennes
tuer un bon début, les effets local. avec ces « deals de justice » con-
peuvent cependant en être aisé- Cette hyper corruption qui af- clus avec les multinationales en
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