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évidemment, des pouvoirs judi- D. L’absence d’harmonisation leurs législations ne semblent
ciaires au sein desquels la spécia- du cadre normatif pas être en adéquation avec
lisation est quasiment inexistante, L’efficacité de la coopération celle-ci, ce qui ne va pas sans
ce qui n’est pas sans poser de pro- internationale repose en grande poser de potentielles difficultés
blème pour le jugement de ce type partie sur l’harmonisation des en matière de coopération dans
d’affaires et le prononcé de con- législations en matière d’infrac- un contexte de grande proximité
damnations, lorsque des juges, tions et de sanctions entre pays géographique et culturelle entre
qui n’ont aucune connaissance de souhaitant coopérer dans un do- pays de la région. Parmi ces
la problématique et souvent des maine considéré. La très rapide pays, l’on compte le Mexique,
difficultés à la comprendre, sont évolution des phénomènes cri- particulièrement affecté par le
appelés à trancher. crime organisé, où il a été détec-
minels liés à la cybercriminalité té que les grands cartels fai-
À cette situation difficile, s’ajou- et l’extrême adaptabilité des cy- saient appel à des spécialistes
tent d’importants problèmes de bercriminels aux cadres norma- du cybercrime dans une logique
coordination, interinstitutionnels tifs existants est ainsi un défi de « crime as a service ». Ces
mais aussi souvent intrainstitu- pour l’ensemble des pays de la disparités législatives consti-
tionnels. Ce qui doit être un ré- planète. Si l’Union européenne, tuent, à l’évidence, un frein à
flexe naturel ne l’est souvent par le biais de l’acquis commu- l’efficacité de la coopération
pas en Amérique latine où les nautaire et de la mise en place entre pays de la région.
unités spécialisées fonctionnent d’un espace commun de justice
de manière cloisonnée. La plu- et de sécurité, fait figure de mo- Par ailleurs, si le chapitre III de
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part des institutions ont fait le dèle en matière d’harmonisation la Convention de Budapest ,
choix de ne pas doter les unités des législations, ce qui facilite consacré à la coopération interna-
spécialisées en matière de cyber- grandement la coopération inter- tionale, prévoit un nombre impor-
crime de compétences formelles nationale, tel n’est pas le cas de tant de mécanismes, en particulier
de coopération internationale, l’Amérique latine où les dispari- en matière d’extradition, d’entraide
préférant centraliser les procé- tés sont importantes. pénale internationale (accès aux
dures au sein des unités de coo- À l’heure actuelle, 8 pays d’Amé- données et interception notam-
pération internationale ou des rique latine ont ratifié la Conven- ment), de communication sponta-
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Bureaux Centraux Nationaux In- tion sur la cybercriminalité du née d’informations, de coopéra-
terpol dans le cas des forces de Conseil de l’Europe – dite Conven- tion transfrontalière et un sys-
sécurité. L’absence de dialogue et tion de Budapest – de 2001, et l’on tème de points de contact 24/7,
de coordination entre ces diffé- peut raisonnablement penser que il faut souligner qu’elle ne pré-
rents acteurs s’avère souvent né- leurs législations nationales sont voit pas la mise en oeuvre de cer-
taines modalités novatrices de
faste pour le bon fonctionnement relativement alignées, à fortiori
de la coopération internationale. si l’on considère que les proces- coopération internationale, telles
Il n’est malheureusement pas sus de ratification sont récents. les équipes communes d’enquête,
rare de voir, en Amérique latine, Par ailleurs, le Conseil de l’Eu- ou l’utilisation de techniques spé-
une information arriver au Bu- rope considère que la législation ciales d’enquête, comme l’infiltra-
reau Central National Interpol et de 4 autres pays de la région est tion de cyber agents. Face à une
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n’être transmise au service com- en grande partie conforme aux criminalité nouvelle, astucieuse
pétent que plusieurs jours ou dispositions de la Convention de et inventive, les États parties ne
semaines après sa réception, ou Budapest. Entre ces 12 pays, une sont pas incités à mettre en
tout simplement jamais… certaine harmonisation législa- oeuvre ces nouvelles modalités,
S’ajoute à cela un manque de tive existe donc, qui peut per- souvent très efficaces, de coopéra-
confiance – parfois de considéra- mettre de faciliter la coopération tion internationale, en particulier
tion – entre enquêteurs et procu- internationale en matière de lutte dans les pays d’Amérique latine
reurs qui est, évidemment, parti- contre la cybercriminalité, mais qui les découvrent petit à petit et
culièrement préjudiciable à l’ef- évidemment aussi avec les 56 pourraient utilement améliorer
ficacité des enquêtes – impli- autres États parties à la Conven- leurs pratiques en la matière, par
quant parfois la duplication de tion, dont les États membres de un usage plus systématique sur
procédures – et à tout processus l’Union européenne. Pour autant, un spectre criminel plus ample.
effectif de coopération interna- 6 pays d’Amérique latine ne sont Ces différents éléments peuvent
tionale. pas parties à la Convention et laisser à penser – à raison – que la
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N 35– Octobre 2021