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de façon informelle et revêtent Américaine des Ministères Publics siècle sont très largement dépas-
plus souvent un caractère per- (AIAMP). Ce réseau est particuliè- sés, inopérants et obèrent en
sonnel qu’institutionnel. La cul- rement actif et permet de nom- grande partie l’efficacité – voire
ture du travail en réseau est sou- breux échanges, tant sur des opé- la pertinence – de toute procé-
vent balbutiante et les change- rations en cours que sur des pro- dure de coopération internatio-
ments de mentalité sont longs à blématiques communes, bonnes nale, ce qui est le cas dans la qua-
intervenir. Par ailleurs, la très pratiques et expériences parta- si-totalité de ces affaires.
importante rotation de person- gées. Compte tenu de ces élé-
nel qui affecte les unités des ments, l’on pourrait aisément C. Spécialisation et coordina-
forces de sécurité de la grande considérer que la coopération tion
majorité des pays de la région, judiciaire en Amérique latine est
ne permet pas de développer professionnelle et efficace et La complexité technique des af-
des capacités pérennes de tra- permet donc d’envisager des faires de cybercrime implique
vail avec de réels spécialistes de échanges rapides et fructueux un haut degré de spécialisation
la coopération internationale. entre pays et institutions de la des acteurs de la chaîne pénale,
Quant aux structures de coopé- région et avec d’autres régions qui existe rarement dans les
ration policière régionale, en du monde. Hélas, le problème pays d’Amérique latine tant au
particulier AMERIPOL, elles de- n’est, en l’occurrence, pas tant niveau des forces de sécurité
meurent pour l’heure largement institutionnel ou personnel que qu’au sein du Parquet (qui joue,
inopérantes faute de moyens et normatif et procédural. En effet, dans la quasi-totalité de ces
de volonté politique. Malgré des la coopération judiciaire en pays, un rôle majeur dans les
velléités de créer un centre spé- Amérique latine demeure régie enquêtes criminelles). Cela s’ex-
cialisé en matière de cybercrimina- par le système des autorités cen- plique essentiellement par deux
lité, AMERIPOL qui demeure une asso- trales (certains pays de la région raisons. En premier lieu, car la
ciation de forces de police sans per- en comptent plusieurs, en fonc- cybercriminalité est une problé-
sonnalité juridique, l’on est encore tion des instruments internatio- matique nouvelle et qui ne re-
très loin de pouvoir envisager un naux considérés), qui implique présente pas encore une menace
équivalent de l’EC3 d’EUROPOL que l’essentiel du processus de de premier ordre dans des pays
(Europol CyberCrime Centre) en coopération judiciaire doit tran- qui ont, depuis longtemps, con-
Amérique latine. Ce contexte ex- siter par ces autorités. Dans de centré leurs efforts de spéciali-
plique, en grande partie, pour- rares cas (le Chili, par exemple), le sation en matière de narcotrafic.
quoi la coopération policière en ministère public est l’autorité En second lieu, dans la plupart
matière de cybercrime en Amé- centrale, mais dans la plupart des pays, les moyens sont limi-
rique latine et entre l’Europe et des pays ce rôle est assuré par tés que ce soit en termes de for-
l’Amérique latine est complexe, une institution du pouvoir exécutif mation mais surtout de res-
lente et souvent peu effective. (le ministère des Affaires étrangères sources pour recruter plus de
dans la majorité des cas), ce qui personnels. Si l’on y ajoute la très
B. Les obstacles à la coopéra- a pour effet de créer un risque forte rotation du personnel, déjà
tion judiciaire de politisation de certains dos- mentionnée plus haut, l’on peut
siers sensibles – et les possibles en outre en déduire que ces
Dans le domaine judiciaire, il ne blocages afférents – et, dans faibles ressources ne sont pas
fait pas de doute que la culture tous les cas, de ralentir grande- utilisées de façon optimale. La
de la coopération est plus inté- ment les processus de coopéra- conséquence de cette situation est
grée que dans le domaine poli- tion judiciaire. Dans le cas du cy- que, si la grande majorité des pays
cier, la stabilité des personnels bercrime, où la coopération judi- d’Amérique latine ont mis en place
plus grande et, de ce fait, le pro- ciaire doit faire preuve d’une ex- des unités spécialisées en ma-
fessionnalisme des acteurs sou- trême célérité compte tenu de la tière de cybercrime au sein des
vent supérieur. L’ensemble des très grande volatilité des preuves forces de sécurité et des minis-
ministères publics d’Amérique et de la difficulté à identifier les tères publics, celles-ci sont de
latine disposent d’une unité spé- délinquants ou criminels qui se taille réduite (6 personnes pour
cialisée en matière de coopéra- consacrent à ces activités, il va l’unité de la police uruguayenne
tion judiciaire internationale, sans dire que des processus de en 2019) et leur niveau de spécia-
regroupées au sein d’un réseau, coopération judiciaire corres- lisation est, sauf exception, rela-
sous l’égide de l’Association Ibéro- pondant aux standards du XX ème tivement faible. Sans parler, bien
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