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du 30 mai 2018 vient compléter
          l’arsenal  législatif  français   en
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          imposant  aux  prestataires  de
          services  d’échange  entre  mon-
          naies  virtuelles  et  monnaies  lé-
          gales  (PSEMV)  et  aux  presta-
          taires  de  services  de  porte-
          feuille  de  conservation  (PSPC)
          l’identification  de  leurs  clients
          (KYC),  mais  aussi  des  bénéfi-
          ciaires effectifs de la transaction.
          Les   éléments   d’identification
          fournis  doivent  présenter  un  ca-      Fonctionnement du dispositif testé dans le projet iTRAC
          ractère  probant,  que  les  clients  données  à  caractère  personnel  »  tement  automatisé,  ni  même
          soient occasionnels ou non.       au  sens  de  la  réglementation  qu'elles aient été conservées au-
                                            soient générés.                   delà de  leur  édition  sur  support
          En  somme,  la  cinquième  direc-                                            22
          tive anti-blanchiment impose la                                     papier » .
          création   systématique    d’une   B. Crypto-tracking  et  traite-  Dans deux autres arrêts en date
          table  de  correspondance  per-   ments  de  données  à  carac-     du  13  janvier  2009   et  du  16
                                                                                                   23
          mettant  de  recouper  les  titu-  tère personnel                   juin  2009   en  matière  de  lutte
                                                                                         24
          laires de comptes sur ces plate-  La  présence  de  traitements  de  contre les pratiques du « peer to
          formes,  et  donc  les  adresses   données  à  caractère  personnel  peer »,  la  Chambre  criminelle  a
          Bitcoin associées, avec l’identité   conditionne l’applicabilité de la  considéré  que  les  recherches
          réelle  de  l’internaute.  On  peut   directive « Police-Justice » . Ce- ponctuelles  faites  sur  Internet
                                                                       20
          alors  conclure  que  les  adresses   pendant  l’appréciation  de  cette  par un agent assermenté grâce à
          Bitcoin  sont  des  données  à  ca-  notion  n’est  pas  unitaire  mais  son  logiciel  de  pair  à  pair  ne
          ractère personnel.                varie selon l’interprétation don- constituent  pas  un  traitement,

          Notons  également  que  le  panel   née  par  la  CNIL,  à  visée  exten- alors  que  la  CNIL  avait  adopté
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          de  métadonnées  issues  de  la   sive ,  ou  celle  donnée  par  le  une  position  radicalement  op-
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          Blockchain  permet  de  renforcer   juge pénal, à visée restrictive.   posée  sur  ce  point .  Pour  le
          ce  pouvoir  identifiant  indirect   Le courant jurisprudentiel porté   professeur Anne Debet : « cette
          de l’adresse Bitcoin, et donc de   par la Chambre criminelle de la   solution  ne  semble  respectueuse
          renforcer  l’identification  des   Cour  de  cassation  entend,  sans   ni de la lettre, ni de l’esprit de la
          individus.  Il  est  alors  raison-  doute par opportunisme, limiter   loi, mais elle est sans doute dic-
          nable  d’avancer  que  les  méta-  l’application du droit de la pro-  tée par la nécessité pour la Cour
          données  «  techniques  »  issues   tection  des  données  en  matière   de cassation de sauver un grand
          de la Blockchain, par agrégation,   pénale.  Dans  un  arrêt  en  date   nombre   de   procédures   pé-
                                                                                     26
          peuvent  également  être  consi-  du 16 mars 2004, le juge a ainsi   nales » .
          dérées  comme  des  données  à    estimé,  sous  couvert  du  prin- Au-delà  des  juridictions  fran-
          caractère  personnel.  Le  pouvoir   cipe de stricte application de la  çaises et de l’appréciation de la
          identifiant se dégage ici unique-  loi  pénale,  que  «  l'utilisation  notion de traitement, il est éga-
          ment  de  l’agrégat  de  ces  don-  d'un  appareillage  informatique  lement  intéressant  d’évoquer,
          nées,  dans  le  prolongement  du   ne  suffit  pas,  à  elle  seule, à  ca- en  droit  de  la  concurrence,  la
          paradoxe  de  sorite  énoncé  par   ractériser  un  traitement  auto- décision du Tribunal de l'Union
          Eubulibe de Milet.
                                            matisé  au  sens  de  l'article  5  de  européenne  du  8  septembre
          Même  si  l’outil  iTRAC  manipule  la  loi  «  informatique  et  liber- 2016   qui  fonde  ses  motiva-
                                                                                   27
          des  données  disposant  d’un  tés  »,  et  que  rien  ne  permet  de  tions en partie sur des éléments
          faible  pouvoir  identifiant,  encore  retenir que les informations col- de  preuve  obtenus  de  manière
          faut-il  que  des  «  traitements  de  lectées aient fait l'objet d'un trai- illégale  par  un  employé  d’une




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