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Les entreprises demandent son britannique, ce qui reflète la Les autorités américaines indi-
amélioration. Il a été préconisé différence entre ces normes na- quent que ce principe, présent
dans un premier rapport parle- tionales. dans leur droit, n’a pas de va-
mentaire en date du 5 octobre À défaut d’une harmonisation à leur contraignante entre États
2016 de revoir sa rédaction l’échelle planétaire, les entre- sauf stipulation convention-
pour bien identifier les informa- prises demandent qu’elle se nelle, et entendent décider de
tions réellement sensibles à ne fasse au moins à l’échelle euro- poursuivre ou non en fonction
pas communiquer et d’alourdir péenne. Au-delà de la seule ré- de l’existence de procédures
les sanctions pour la rendre solution des différences de étrangères, au cas par cas, d’où
plus crédible notamment aux règles, l’enjeu consiste à mettre une incertitude qui crée un en-
yeux des autorités améri- en place une compliance euro- vironnement juridique peu pro-
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caines . C’est également ce que péenne, soucieuse à la fois de pice au développement interna-
propose un second rapport par- promouvoir les entreprises eu- tional des affaires.
lementaire en date du 26 juin ropéennes dans le monde et de C’est également la position
2019 en y ajoutant un méca- rendre la norme anticorruption d’autres pays, tels que la
nisme obligatoire d’alerte en plus efficace et plus crédible. France. Le droit pénal français
amont des pouvoirs publics par n’admet l’application du prin-
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l’entreprise concernée . Premier pas dans cette direction cipe « non bis in idem » aux pro-
d’une norme anticorruption har-
Certains professionnels restent monisée : l’adoption d’une di- cédures étrangères que de ma-
cependant sceptiques et invo- rective européenne de protec- nière restrictive. La Cour de cas-
quent l’intérêt de se doter d’un tion des lanceurs d’alerte sation a rappelé que la règle
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dispositif européen anticorrup- (Directive UE 2019/1937 du 23 ne s’applique que dans les rela-
tion avec une loi de blocage eu- octobre 2019 sur la protection tions transnationales euro-
ropéenne qui aurait plus de des personnes qui signalent des péennes. Pour les relations hors
poids qu’une loi nationale. Union européenne, elle ne s’ap-
violations du droit de l’Union).
iii. Le développement d’un plique que lorsque l’action de la
dispositif européen B. La coordination du sys- justice française se fonde sur la
compétence extraterritoriale (cf.
tème de répression interna-
La lutte contre la corruption est art 113-9 Code pénal et 692
mondiale, mais ses règles sont tional Code de procédure pénale). Ce-
nationales. C’est l’une des diffi- Une autre source de difficul- pendant, en instaurant la loi Sa-
cultés que rencontrent les en- tés réside dans l’extension ex- pin 2, les autorités ont eu no-
treprises : la lutte anticorrup- traterritoriale des normes natio- tamment comme objectif de
tion n’est pas harmonisée, nales : ainsi la loi française a permettre aux entreprises fran-
même en Europe. une portée extraterritoriale çaises d’échapper aux pour-
Les entreprises évoluant dans comme les lois des autres pays suites des autorités étrangères.
un cadre international ont mis dans ce domaine, créant des De leur côté, les autorités amé-
en place des règles pour se con- risques de multiplication des ricaines ont souligné dans leur
former à la norme de la loi amé- poursuites judiciaires émanant déclaration du 9 mai 2018 ,
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ricaine (le Foreign Corrupt Prac- de différents États, amenant à leur souci de ne pas « empiler »
tices Act 1977 (FCPA)), puis à s’interroger sur la portée à les condamnations et de tenir
celles d’autres lois étrangères l’international du principe « non compte de l’existence des pour-
notamment la loi britannique bis in idem ». suites d’autorités étrangères
(l'UK Bribery Act 2010 (UKBA)). Comment éviter les poursuites dans le traitement des dossiers.
Et pour se conformer ultérieure- d’autorités étrangères sur des En cela, elles se conforment à
ment au dispositif prévu par affaires déjà jugées en France leur pratique de longue date qui
Sapin 2, elles ont eu à complé- ou ayant fait l’objet d’un accord consiste à tenir compte de la
ter leur système anticorruption judiciaire censé mettre un coopération internationale et
avec de nouveaux outils de pré- terme à toute procédure sur le des montants d’amende payés
vention non obligatoires pour dossier en vertu du principe par les entreprises auprès des
les législations américaine et différentes autorités dans un
« non bis in idem » ?
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N 30– Juillet 2020
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