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doutes au sujet de la constitu- pouvaient être sans lien avec la tous azimuts » , le législateur a
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tionnalité de certaines disposi- personne qui constituait la me- confirmé, dans la loi du 3 juin
tions de la loi du 21 juillet 2016 nace. Le défi de la loi du 21 juil- 2016, sa volonté d'ériger la légi-
prorogeant l’application de la let 2016, en faisant renaître de slation antiterroriste en un outil
loi n° 55-385 du 3 avril 1955 ses cendres la procédure de sai- d'anticipation. Née au lende-
relative à l’état d’urgence . Ce sie des données informatiques main des attentats commis à
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point de vue était partagé au cours d'une perquisition ad- Paris en 1995, cette mutation
puisque le 16 septembre 2016, ministrative, était donc de s'en- législative « de la réaction vers
le Conseil d’État avait saisi le tourer des garanties nécessaires la prévention » se traduit, de-
Conseil constitutionnel d’une pour échapper à une nouvelle puis plusieurs années, par une
question prioritaire de constitu- censure. Pour éviter l'inconsti- répression croissante des actes
tionnalité (QPC) au sujet de la tutionnalité, la loi n° 2016-987 de soutien au terrorisme. Le but
conformité aux droits et libertés du 21 juillet 2016 avait créé un est d'ériger la législation pénale
que la Constitution garantit des système d'autorisation a poste- en un outil d'anticipation per-
troisième à dixième alinéas du riori délivrée par le juge admi- mettant d'aboutir à une répres-
paragraphe I de l'article 11 de la nistratif des référés saisi à l'ini- sion antérieure à la perpétration
loi n° 55-385 du 3 avril 1955 tiative du préfet signataire de d'une action terroriste . Le délit
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relative à l'état d'urgence, dans l'ordre de perquisition. En outre de consultation habituelle de
sa rédaction issue de la loi n° le texte permettait, en plus de la sites terroristes, inséré par la
2016-987 du 21 juillet 2016 . saisie et de l'exploitation de loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 à
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Le 2 décembre 2016, le Conseil données informatiques, la saisie l'article 421-2-5-1 du Code pé-
constitutionnel a répondu à de supports matériels pouvant nal, en était l'archétype. En ef-
cette QPC qui était a minima contenir de telles données . Le fet, la particularité de cette in-
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pour deux raisons l’une des challenge que s'est fixé le légi- fraction terroriste était qu'elle
plus attendues de la fin d'année slateur n'a toutefois pas été se fondait sur un élément maté-
2016. Primo, la dite QPC est ve- complètement relevé puisque le riel qui n'était pas susceptible
nue enrichir la jurisprudence Conseil constitutionnel, dans sa en lui-même de porter atteinte à
récente du Conseil constitution- décision du 2 décembre 2016, a la sécurité, à la dignité ou à la
nel sur l'état d'urgence . Secun- déclaré à nouveau partiellement vie des personnes. Aussi, le
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do, en étant à nouveau sollicité inconstitutionnelle cette procé- texte permettait-il une répres-
sur les saisies de données ou de dure . Les Sages ont effet consi- sion très anticipée du processus
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matériels informatiques lors de déré qu’en étant muet sur le de- de radicalisation. En effet, en
perquisitions administratives venir des données copiées qui agissant en amont, le but était de
dans le cadre de l'état d'ur- caractérisent une menace et qui prévenir la commission d'actes de
gence, le Conseil constitution- ont fait l'objet d'une autorisa- terrorisme en réprimant un com-
nel s’est prononcé, pour la se- tion d'exploitation par le juge portement susceptible d'entraî-
conde fois en quelques mois, sans conduire à la constatation ner une radicalisation et, éven-
sur la conformité à la Constitu- d'une infraction, le législateur tuellement ensuite, un passage
tion de cette procédure. En ef- n'a pas prévu de garanties lé- à l'acte terroriste. Fruit d'une
fet, dans sa décision n° 2016- gales propres à assurer une con- histoire démarrée en 2012 dans le
536 QPC du 19 février 2016, le ciliation équilibrée entre le droit projet de loi renforçant la préven-
Conseil constitutionnel avait au respect de la vie privée et la tion et la répression du terro-
déclarée contraire à la Constitu- sauvegarde de l'ordre public. risme, ce délit controversé s'ins-
tion la saisie, par copie, de don- pirait de celui de consultation
nées informatiques lors d'une Deuxièmement, de multiples habituelle de sites internet pédo-
telle perquisition . La raison de enseignements peuvent être re- pornographiques prévu par le
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la contrariété à la Constitution tirés de l’inconstitutionnalité du cinquième alinéa de l'article 227-
était l'absence d'intervention délit de consultation habituelle 23 du Code pénal . Symbole
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d'un juge, condition d'autant de sites terroristes dans sa ré- d'une législation d'anticipation du
plus essentielle que les élé- daction issue de la loi du 3 juin terrorisme, ce texte n'était pas
ments susceptibles d'être copiés 2016. En effet, en légiférant « sans susciter des réserves par
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N 32– Décembre 2017
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