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aux fournisseurs de services en De même, elle a considéré que le tion des données par le droit
ligne de conserver, même pour recueil en temps réel des don- européen ne remettait pas en
une durée limitée, les données nées relatives au trafic ou à la cause les exigences constitution-
de connexion de leurs abonnés localisation n’était conforme au nelles relatives à la sécurité na-
de manière indifférenciée, en droit de l’Union que s’il était tionale et à la lutte contre la cri-
vue de leur éventuelle réquisi- mis en oeuvre en raison d’une minalité grave. Selon lui, l’objec-
tion par l'autorité judiciaire ou menace grave pesant sur la sé- tif de sauvegarde de la sécurité
par les services de renseigne- curité nationale, c’est-à-dire à nationale recouvrait la majorité
ment dans le but de lutter l’égard des personnes pour les- des missions des services de
contre la criminalité. Plusieurs quelles il existait une raison va- renseignement français. Par ail-
arrêts de la Cour ont fait suite à lable de soupçonner qu’elles leurs, il a relevé que la menace
l’affaire « Tele2 » dont La Qua- étaient impliquées d’une ma- pesant sur la sécurité nationale
drature du Net e.a rendu en nière ou d’une autre dans des était effectivement réelle, ac-
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octobre 2020 et concernant les activités terroristes. tuelle et intense, comme l’exi-
questions préjudicielles fran- Pour la mise en oeuvre de l’en- geait la Cour, et qu’elle était
çaises. protéiforme. Il a ainsi pris en
semble des techniques de ren-
Toutes les techniques de rensei- seignement impliquant l’accès compte des menaces plus va-
gnement n’étaient pas concer- aux données de connexion évo- riées que celle retenue par la
nées par l’application du droit quées ci-dessus, la Cour a exigé Cour, superposant à la menace
de l’Union européenne, les inter- que celles-ci soient soumises à terroriste d’autres atteintes graves
ceptions de sécurité, et les autres un contrôle préalable effectué à prévenir, comme l’espionnage
techniques ne nécessitant pas la par une juridiction ou par une industriel et politique, ou l’émer-
collaboration des opérateurs, ayant entité administrative indépen- gence de groupuscules extré-
été écartées par le Conseil d’État dante rendant une décision dotée mistes et violents sur le territoire
dans ses questions préjudi- d’un effet contraignant. Cette po- national.
cielles. sition de la Cour l’a amenée à Il a toutefois relevé que le cadre
constater une violation du droit légal français, en ne prévoyant
S’agissait-il alors de ne remettre
en cause que des techniques de de l’Union tant dans le cas fran- pas un réexamen périodique des
renseignement secondaires ? Loin çais, la CNCTR rendant des avis risques pour la sécurité natio-
s’en faut. simples sur la mise en oeuvre nale de la nécessité de maintenir
des techniques de renseigne- cette obligation de conservation
Les traitements automatisés, qui ment, que dans le cas estonien, au moins tous les ans, mécon-
s’appliquent de manière globale le Ministère public autorisant les naissait le droit de l’Union.
à l’ensemble des personnes fai- services judiciaires à accéder aux
sant usage des moyens de com- données de connexion pour les En outre, le Conseil d’État a jugé
munications électroniques, ont, besoins des enquêtes pénales. qu’une conservation ciblée des don-
d’une part, retenu l’attention de nées de connexion, telle qu’exigée
la Cour. La CJUE a estimé qu’une Alors que les personnalités audi- par la CJUE, se heurterait à des
telle ingérence n’était propor- tionnées par le Conseil d’État difficultés techniques qui pour-
tionnée que si un État membre avaient largement fait part de raient compromettre sa mise en
se trouvait face à une menace leur inquiétude quant aux con- oeuvre et même présenter un
grave pour la sécurité nationale, séquences de la transposition de intérêt opérationnel incertain.
réelle, actuelle ou prévisible, et la jurisprudence de la CJUE sur Le Conseil d’État a estimé que
si la durée de la conservation le déroulement des enquêtes, cette conservation de données,
était limitée au strict nécessaire. celui-ci est venu valider l’équi- postérieure aux évènements la justi-
Cette position a conduit la CJUE libre français en jugeant que la fiant, ne permettait pas de garantir
à considérer que l’utilisation conservation généralisée des don- le respect des objectifs constitution-
faite des traitements automati- nées était actuellement justifiée nels que sont, en France, la pré-
sés de données pour la sauve- par la menace existante pour la vention des atteintes à l’ordre
garde de la sécurité nationale sécurité nationale. public et la recherche des au-
méconnaissait le droit de Le Conseil d’État a estimé que teurs d’infractions pénales.
l’Union. l’encadrement de la conserva- En outre, la juridiction française
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