Page 15 - revue_N35_octobre_2021
P. 15
relevé aucune violation de la Con- sibles (comme les éléments jour- ciarisation du renseignement est
vention par les règles de contrôle nalistiques confidentiels). Enfin, un enjeu majeur tant pour les
et de mise en oeuvre des intercep- la Cour exige que le transfert services de renseignement que
tions de masse mais a estimé, en d’informations à des partenaires pour les parquets.
application de sa nouvelle ap- de renseignement étrangers soit Le fait de débuter une enquête par
proche exigeant des garanties « de soumis à un contrôle indépen- la mise en oeuvre de techniques
bout en bout », que le contrôle a dant. de renseignement présente des
posteriori présentait une insuffi- avantages notables. Elle permet
sance structurelle et que l’exis- La Cour a indiqué qu’elle appré- notamment d’effectuer des levées
tence de plusieurs contrôles al- ciera « globalement » le caractère de doutes ainsi que de vérifier,
ternatifs n’était pas suffisante suffisant de chaque cadre juri- étayer et « blanchir » le rensei-
pour considérer que les justi- dique. Le jugement des requêtes gnement initial. Elle va égale-
ciables disposaient d’un recours concernant le cadre juridique ment permettre de mettre en
effectif. français ayant été suspendu
dans l’attente des arrêts de la oeuvre des techniques qui ne
La Cour exige que les demandes Grande chambre, l’appréciation sont pas prévues par le Code de
de transmission d’informations du cadre juridique français de- procédure pénale.
adressées aux pays étrangers vrait intervenir dans les pro- La frontière entre prévention et
aient un fondement en droit in- chains mois. caractérisation de l’infraction
terne, accessible et prévisible est cependant parfois difficile à
quant à ses effets. Cette base L’encadrement des échanges avec fixer, notamment pour les ser-
légale doit, en outre, indiquer les services étrangers est un ren- vices ne disposant pas de la
dans quelles circonstances et dez-vous législatif à venir en « casquette » judiciaire.
sous quelles conditions les auto- matière de renseignement.
rités sont habilitées à formuler La CNCTR, dans le cadre de l’exer-
de telles demandes et prévoir III. La mise en oeuvre des cice de son contrôle de légalité a
des garanties effectives. passerelles entre renseigne- priori et a posteriori, est garante
Elle précise que, dès la réception ment et procédure judicaire du respect de la prévalence du
judicaire et veille à recommander
des éléments interceptés, l’État
destinataire doit mettre en oeuvre Il convient de distinguer deux aux services de judiciariser les dos-
des garanties suffisantes pour situations distinctes : la judicia- siers lorsque les éléments constitu-
leur examen, leur utilisation, leur risation d’un renseignement que tifs semblent réunis. Elle peut
conservation, leur transmission à la mise en oeuvre de techniques même aller jusqu’à émettre un
des tiers, leur effacement et leur avait pour objectif d’étayer (A) avis défavorable à la mise en
destruction. Le recours à un tel et le traitement d’une informa- oeuvre ou au renouvellement
dispositif doit également être tion découverte incidemment d’une technique de renseigne-
soumis à une supervision indé- dans le cadre d’investigations ment si elle estime que les faits
sont suffisamment caractérisés et
pendante et à un contrôle a pos- portant sur d’autres faits (B). doivent être appréhendés dans un
teriori indépendant.
A. Le traitement de l’infor- cadre judiciaire.
La Cour pose plusieurs autres mation spécifiquement re- La judiciarisation d’une affaire,
conditions. Le droit interne doit initiée en matière administrative
prévoir clairement les circons- cherchée et ayant entraîné la mise en
tances dans lesquelles le trans- Les renseignements exploités oeuvre de techniques de rensei-
fert peut être réalisé et l’État sous l’égide du Code de la sécuri- gnement, doit être soumise au
émetteur doit s’assurer de la té intérieure en matière de contre- parquet compétent.
mise en place, par l’État destina- terrorisme et de lutte contre la
taire, de garanties suffisantes pour criminalité organisée ne peuvent Une différence majeure réside
prévenir les abus et les ingérences l’être que dans un cadre préventif, dans le fait que les magistrats du
disproportionnées, notamment en comme l’énonce l’article L811-3 parquet national anti-terroriste
restreignant la divulgation des du Code de la sécurité inté- dirigeant les enquêtes de contre-
informations à d’autres parties et rieure, le judiciaire conservant terrorisme bénéficient d’une ha-
en accordant une protection parti- sa prévalence sur l’administra- bilitation au secret de la défense
culière aux renseignements sen- tif. Ainsi la question de la judi- nationale, ce qui n’est pas le cas
15
N 35– Octobre 2021
°