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dans un contexte de recherche seil d’État déroge au Code de gnement devant les juridictions
des circonstances exactes ayant justice administrative sur plu- françaises .
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conduit à la mort des deux sieurs points essentiels : l’ins-
otages. Bien que la communica- truction est non contradictoire Les opérations du renseignement
tion de tels éléments inter- et couverte par le secret de la extérieur se trouvent aujourd’hui
vienne uniquement dans un défense nationale ; une au- beaucoup plus exposées, y com-
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contexte de recherche de la vé- dience séparée est prévue pour pris judiciairement . Les services
rité, et non pour contrôler l’ac- le requérant et pour les services en ont bien conscience et y
tion des services, la frontière en (cette dernière se tenant à huis voient un élément de fragilisa-
pratique apparaît parfois tenue clos), et la décision est limitée à tion de leur action. Un certain
avec un « contrôle » de fait, a son dispositif. nombre d’aménagements juri-
posteriori, qui apparaît d’ail- Les pouvoirs juridictionnels diques sont ainsi intervenus au
leurs discutable à plusieurs sont néanmoins réels puisque la cours des dernières années,
égards. dans le but d’en clarifier le sta-
haute juridiction peut accéder à tut juridique.
l’ensemble des documents et
ii. Le contrôle juridictionnel
informations détenus par les Le législateur a d’abord inscrit
Mais l’innovation essentielle en services, aucun secret ne lui explicitement dans la loi, à l’ar-
la matière résulte de la loi du 24 étant opposable . Elle peut, afin ticle L4123-12 II du Code de la
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juillet 2015 relative au rensei- de pallier l’impossibilité pour le défense, que « n’est pas pénale-
gnement qui a, pour la première justiciable de soulever des ment responsable le militaire qui,
fois, donné au juge un véritable moyens alors qu’il ne connaît dans le respect des règles du
pouvoir juridictionnel de con- pas la mesure en cause, se saisir droit international et dans le
trôle sur l’action des services de de tout moyen, même d’office. cadre d’une opération mobilisant
renseignement lorsqu’ils ont Le Conseil d’État dispose des des capacités militaires, se dérou-
recours à des mesures de sur- pouvoirs les plus larges d’annu- lant à l’extérieur du territoire
veillance constituant une ingé- lation, d’indemnisation ou français ou des eaux territoriales
rence dans la vie privée. d’injonction. françaises, quels que soient son
objet, sa durée ou son ampleur, y
Le législateur a choisi de confier S’il est trop tôt pour tirer un
compris la libération d’otages, (..)
au Conseil d’État, en premier et bilan qualitatif de cette impor-
exerce des mesures de coercition
dernier ressort, par voie d’ac- tante réforme , elle apparaît
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ou fait usage de la force armée,
tion ou d’exception, l’ensemble néanmoins représenter un véri-
ou en donne l’ordre, lorsque cela
du contentieux de la régularité table tournant en la matière,
est nécessaire à l’exercice de sa
de la mise en oeuvre des tech- plaçant le juge (administratif) mission ». Ces dispositions ne
niques de renseignement. au coeur du contrôle juridic- valent toutefois que dans un con-
tionnel de l’action des services
Ce contrôle juridictionnel peut texte d’opération militaire exté-
intervenir à tout moment de la de renseignement. rieure officielle, ce qui couvre pas
procédure, soit sur saisine de la l’ensemble des opérations exté-
Commission nationale de con- B. Le contrôle limité du ren- rieures menées par les services
trôle des techniques de rensei- seignement extérieur de renseignement. Un militaire
gnement (CNCTR) 15 lorsque le Contrairement au renseigne- ayant participé une opération ex-
Gouvernement décide de ne pas ment intérieur, les opérations térieure secrète reste donc sus-
suivre son avis, ou directement spéciales des services de rensei- ceptible, le cas échéant, de voir sa
sur saisine de tout justiciable gnement font traditionnelle- responsabilité juridique pénale et
ayant un intérêt direct et per- ment l’objet d’un encadrement civile engagée devant son juge
sonnel qui soupçonnerait la juridique moins développé. La national.
mise en oeuvre à son endroit situation semble toutefois évo- La loi du 24 juillet 2015 rela-
d’une mesure de surveillance.
luer aujourd’hui, avec pour en- tive au renseignement a égale-
Afin de concilier les exigences jeu principal la question de la ment introduit des éléments
de la doctrine du renseignement responsabilité (civile, adminis- nouveaux allant dans le sens
et celles du procès équitable, la trative et surtout pénale) des d’une meilleure protection juri-
procédure suivie devant le Con- agents des services de rensei- dique des agents. Le législateur
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N 19– Juillet 2017
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