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a  d’abord  entendu  donner  une  du territoire national, à des fins
         base législative élargie à la capa- strictement  nécessaires  à  l’ac-  sur   l’Etat   de   droit » :   https://
         cité  du  renseignement  extérieur  complissement  d’une  mission       www.thegctf.org/Portals/1/Documents/
                                                                                 Framework%20Documents/A/GCTF-Rabat-
         français  à  mener,  y  compris  à  commandée  par  ses  autorités      Good-Practice-6-Recommendations-
         l’étranger, des actions d’entrave  légitimes,  par  un  agent  des  ser-  FRE.pdf
         face  à  certains  risques  ou  me- vices mentionnés à l’article L811  4.  Il s’agit aux termes de la loi d’une compé-
                                                                                 tence  « concurrente »,  c’est-à-dire  parta-
         naces affectant la sécurité natio- -2  », l’article L862-1 CSI  prévoit   gée avec les parquets locaux  territoriale-
         nale  .                            que  le  procureur  de  la  Répu-    ment compétents (article 706-17 CPP). La
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                                                                                 pratique fait toutefois apparaître un trai-
                                            blique  ne  peut  pas  engager  de   tement  quasi  exclusif  des  affaires  terro-
         Surtout, le législateur a manifes-                                      ristes  à  Paris,  à  l’exception  des  conten-
         tement  cherché  à  clarifier  la   poursuites  avant  d’avoir  infor-  tieux  liés  aux  faits  d’apologie  qui,  pour
         question  de  la  responsabilité   mé au préalable le ministre con-     une  bonne  administration  de  la  jus-
                                                                                 tice, peuvent faire l’objet d’un traitement
         pénale  des  agents  impliqués     cerné (en l’espèce, le ministre de   local, après consultation avec le pôle anti
         dans  des  actions  clandestines  à   la Défense, s’agissant des opéra-  -terroriste de Paris.
         l’étranger.  Le  nouvel  article   tions de la Direction générale de  5.  Article  706-52-2  CPP  (procureur  de  la
                                                                                 République de Paris et magistrats instruc-
         L862-2  du  Code  de  la  sécurité   la  sécurité  extérieure  (DGSE))  et   teurs anti-terroristes) et art. L132-10-1 4°
         intérieure dispose désormais, de   recueilli son avis  qui sera versé   CSI  (juges  de  l’application  des  peines  et
                                                                                 services d’insertion et de probation).
         manière    expresse,    que    les   en procédure si celle-ci est enga-  6.  La Garde des Sceaux considérait en subs-
         « agents des services spécialisés   gée.                                tance  que  la  mission  de  renseignement
         de  renseignement  sont  pénale- Dans ce contexte, un éclaircisse-      n’était  pas  compatible  avec  la  mission
                                                                                 première  des  agents  de  l’administration
         ment  responsables  de  leurs  ment juridique reste souhaitable         pénitentiaire  et  s’était  opposée  à  la  re-
         actes  dans  les  conditions  défi- afin  d’éviter  de  placer  le  juge   connaissance  du  renseignement  péniten-
                                                                                 tiaire dans la communauté du renseigne-
         nies  au  titre  II  du  livre  Ier  du  national  dans  une  position  in-  ment au moment des discussions de la loi
         Code pénal ». Ce faisant, le légi- confortable  d’arbitre  entre  les   renseignement en 2015.
         slateur renvoie au droit commun  enjeux  opérationnels  liés  à  l’ac-  7.  Selon  des  modalités  précisées  par  le  dé-
                                                                                 cret n° 2017-36 du 16 janvier 2017 relatif
         de  la  responsabilité  pénale  et  tion  des  services  de  renseigne-  à la désignation des services relevant du
         plus  particulièrement  à  l’appli- ment extérieur et le respect d’un   ministère de la Justice autorisés à recou-
         cation de l’article 122-4 du Code  cadre juridique national pas tou-    rir aux techniques mentionnées au titre V
                                                                                 du livre VIII du Code de la sécurité inté-
         pénal,  qui  prévoit  qu’un  agent  jours adapté à ces spécificités.     rieure,  pris  en  application  de  l'article
         qui  accomplit  un  acte  comman-                                       L811-4 CSI.
         dé  par  l’autorité  légitime  n’en-                                  8.  Art. L811-4 CSI.
         gage  pas  sa  responsabilité,  sauf                                  9.  Voir notamment le Classified Information
                                                                                 Procedures Act (CIPA) de 1980, qui orga-
         lorsque l’acte en question appa-   Notes :                              nise,  en  substance,  un  mécanisme  per-
                                                                                 mettant de faire entrer en procédure des
         raît « manifestement illégal ». Il  1.  La  portée  du  secret  de  l’enquête  prévue
                                                                                 éléments fournis par les services de ren-
         est  toutefois  permis  de  s’inter-  par  le  Code  de  procédure  pénale  n’est   seignement,  qui  peuvent  dès  lors  être
                                               aucunement  comparable  à  la  protection
         roger  sur  la  portée  pratique  ré-  légale de la confidentialité de l’action des   utilisés comme des preuves. Cette procé-
                                                                                 dure, très originale, repose sur une négo-
         elle de cette disposition dans le     services de renseignement, notamment à   ciation entre la partie poursuivante et le
         cas  des  opérations  clandestines    travers la classification des objets et des   juge,  en  consultation  avec  la  défense,
                                               informations sensibles.           afin  de  déterminer  s’il  est  nécessaire  ou
         des  services  de  renseignement   2.  Sauf s’agissant du contre-espionnage sur   non  (au  vu  des  principes  fondamentaux
         dont  le  caractère  illicite  peut   le  sol américain,  qui  était  lui-même  con-  du procès tel que les « discovery rules »,
         parfois apparaître manifeste, au      fié à un service organiquement séparé de   équivalent  pour  partie  de  notre  principe
                                                                                 du  contradictoire)  d’introduire  en  procé-
                                               la police judiciaire au sein même du FBI.
         moins au regard de la loi locale-  3.  Les  réflexions  autour  de  l’articulation   dure des éléments confidentiels à charge
         ment applicable.                      entre  renseignement  et  justice,  catalysés   ou à décharge. S’il l’estime nécessaire, le
                                               par  la  lutte  contre  le  terrorisme,  ne  se   juge  peut  décider  de  recourir  à  des  élé-
                                                                                 ments  dits  « de  substitution »,  c’est-à-
         C’est  peut-être  la  raison  pour    limitent pas à la France ou aux États-Unis,   dire  accepter  un  document  préparé  par
         laquelle  le  législateur  a  égale-  mais  concernent  aujourd’hui  la  plupart   l’accusation  dont  sont  retirées  les  men-
                                               des États démocratiques. Ils se traduisent
         ment  introduit  l’article  L862-1    par  de  nombreuses  initiatives  au  niveau   tions  et  informations  non  strictement
                                                                                 nécessaires à la cause, qui sera versé au
         dans le Code de la sécurité inté-     international visant à identifier des lignes   dossier en lieu et place du rapport origi-
                                               directrices  en  la  matière  autour  d’un
         rieure,  accordant  à  ces  mêmes     équilibre  satisfaisant  entre  efficacité   nal.
         agents un mécanisme de protec-        répressive  et  respect  des  principes  de  10. La  protection  des  secrets  de  la  défense
                                                                                 nationale  n’est  pas  un  motif  de  recours
                                               l’État  de  droit.  Voir  notamment les  re-
         tion  proche  de  celui  applicable   commandations  du  Forum  Global  Contre   au huis clos à l’audience, sauf le cas très
         pour  les  militaires  en  opération   le Terrorisme (GCTF) sur « l’utilisation et   spécifique  des  infractions  en  matière
         à  l’article  698-2  CPP.  S’agissant   la protection du renseignement lors d’en-  militaire  en  temps  de  paix  (article  698-9
                                                                                 CPP).
                                               quêtes  et  de  poursuites    menées  par  le
         en  effet  de  « faits  commis  hors   secteur  de  la  justice  pénale  et  fondées

                                                                                                            49
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