Page 12 - revue_N21 - decembre 2017
P. 12
pilier de la recommandation ré- possibilités plus larges de les coût de la mise en conformité et
cente de l’OCDE. Les valeurs corrompre. En effet, il est moins le pouvoir arbitraire supposé
associées à cette culture sont coûteux pour un acteur soumis à des agents publics. Pour le flux,
très larges, puisqu’elles recou- la réglementation (autorisation l’auteur propose d’instaurer une
vrent, selon les auteurs, un en- d’entrée sur un marché etc.) de étude d’impact spécifique sur la
semble des valeurs associées à payer un agent public pour y corruption avant l’adoption
la démocratie : l’attachement à échapper que de se conformer d’une loi. Trois facteurs permet-
la liberté des médias, le déve- aux multiples exigences, dont la tent d’évaluer l’effet sur des
loppement du sens de l’intérêt compréhension nécessite l’em- comportements déviants : quel
général pour les agents pu- bauche d’onéreux consultants coût de mise en conformité
blics... La dimension morale de spécialisés. Une production éle- pour les acteurs concernés ;
la culture de l’intégrité prônée vée de normes crée également quel risque de contrôle et de
n’est pas sans rappeler la vertu de nombreuses opportunités de sanctions (toujours conserver
des citoyens érigée en principe lobbying, que l’auteure relie, en une part de contrôle aléatoire) ;
démocratique par Montesquieu . raison du risque de détourne- quelle adaptation des sanctions
17
ment de la décision vers des (pas forcément économiques)
C. Vers l’élaboration de intérêts privés, à la corruption. aux transgressions.
normes adaptées aux en- Une fois encore, il est moins Cette approche par la rationalité
jeux anticorruption coûteux pour les acteurs de l’agent est largement pondé-
d’influencer les décideurs publics rée par les derniers développe-
La réglementation est l’un des pour obtenir une réglementation ments des sciences cognitives
outils principaux pour lutter favorable que de se conformer et comportementales qui souli-
contre la corruption. La littérature ensuite à des règles complexes. gnent d’autres déterminants de
scientifique s’est penchée sur la Cette vision de la corruption s’ap- l’action : la sensibilité à l’envi-
spécificité des normes anticor- puie sur la théorie de l’agent éco-
ronnement, à l’avis des pairs, à
ruption, soulignant qu’un délicat nomique, qui comme un agent la moralité etc. Nicoletta Ran-
équilibre devait être trouvé entre rationnel, effectue au moment de gone retient trois éléments en
20
incitations et interdictions. prendre une décision un calcul particulier pour analyser les
coût-bénéfice personnel. L’adap-
Pour la chercheuse Maria de Bene- choix comportementaux face à
detto , une réglementation ina- tation de ce calcul à la corruption la corruption : la façon dont
18
daptée peut concourir à l’aug- a ainsi été écrite par Gary Becker : l’information est présentée ; la
mentation des actes de corrup- « la décision individuelle sur se tendance à se conformer au
tion. Elle décrit trois méca- conformer ou pas est le résultat choix des pairs (et donc au ni-
nismes de corruption : ne pas se d’un raisonnement économique veau environnant d’intégrité) ;
conformer à un devoir pour évi- qui connecte le coût de la confor- la capacité limitée des individus
ter un coût ; obtenir un bénéfice mité, la taille de la sanction et le à évaluer les risques et probabi-
19
qui n’est pas dû ; obtenir une risque d’encourir la sanction » . lités. Pour établir des normes
régulation qui favorise certains Pour Maria de Benedetto, les lé- anticorruption efficaces, il faut
intérêts. Ces trois processus gislations anticorruption ac- prendre en compte ces trois ten-
sont possibles et mêmes favori- tuelles ne font pas de l’intégrité dances. L’ auteure en déduit deux
sés lorsque la réglementation un comportement rentable, lignes directrices pour établir la
est instable, peu claire ou sura- ce qui explique qu’elles ne réglementation anticorruption :
bondante. L’inflation législative soient pas respectées. Il faut une législation claire et stable
que l’on constate dans un cer- donc repenser les normes. Deux (elle reprend ici l’argument du
tain nombre de pays européens pistes permettraient d’obtenir risque de corruption lié au pou-
engendre une bureaucratisation des normes anticorruption effi- voir discrétionnaire de l’admi-
plus importante. Les fonction- caces. Pour le stock, la simplifi- nistration) ; mais également le
naires deviennent alors les cation (voire la suppression) besoin d’une régulation spéci-
seuls à connaître et interpréter d’un grand nombre de régle- fique anticorruption qui manie
les normes, ce qui ouvre des mentations réduirait d’autant le à la fois des incitations et des
12
N 32– Décembre 2017
°