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effet, la loi pénale s’applique aux ceux-ci devrait être justifiée. Cela tacles de droit
faits commis postérieurement à participe de la lecture intelligible La question de l’amnistie vient de
son entrée en vigueur, sauf si elle de ladite loi . Dans cette perspec- l’application de la loi dans le
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est expressément rétroactive ou si tive, personne ne serait favorisée, temps. Que faudrait-il faire de
elle est plus douce . L’une des les uns et les autres seraient sur le ceux qui se sont donc enrichis illi-
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craintes ,pour les gouvernants en même pied d’égalité, évitant de citement, dans la mesure où au
place, résiderait dans la prescrip- crier à une lutte des réseaux au moment ils commettaient les faits,
tion. pouvoir contre ceux qui s’oppo- l’infraction n’existait pas ? Dans
sent politiquement à eux . Cela
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Les diverses Conventions interna- les Conventions internationales
tionales relatives à la corruption pourrait d’ailleurs permettre de relatives à la corruption et notam-
n’ont pas émis l’idée d’imprescrip- rattraper des individus qui ont ment celle des Nations Unies, il est
tibilité, mais recommandent des échappé à la loi pour d’autres in- recommandé de ne pas amnistier,
délais longs en matière de pres- fractions assimilées à la corrup- de ne pas accorder des immunités
cription . Si l’on s’en tient au tion, mais qui n’ont jamais été à des individus auteurs d’infrac-
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Code pénal camerounais, et en ré- poursuivis, ou n’ont pu être punis tions, sauf si elles sont prescrites.
férence au projet qui a donné lieu pour défaut de preuve. En l’état ac- En effet, c’est pour rompre avec
à sa renaissance, l’enrichissement tuel, chacun devrait se préparer à les vieilles habitudes et pour
illicite serait une infraction quali- justifier les origines de son patri- mettre fin à l’impunité que de
fiée de crime en raison du mon- moine. Seules les personnes de mau- telles mesures sont recomman-
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tant des sanctions, comme dans le vaise foi trouveraient anormale une dées. Si certains pensent que cer-
détournement de biens publics. Ce telle mesure, et la Commission de taines infractions économiques
qui suppose alors que le délai de déclaration des biens agirait en te- pourraient être portées au même
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prescription serait de 10 ans en ce nant compte des réalités locales, no- rang que celles du Statut de Rome ,
qui concerne l’action publique. La tamment le fait que certaines acqui- c’est parce que les droits écono-
principale difficulté viendrait alors sitions ont été faites de façon coutu- miques permettent aussi la réalisa-
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du point de départ de la computa- mière, sans trace écrite. tion des droits fondamentaux . En
tion. Le raisonnement qui précède dé- effet, les peuples ne sauraient subir
montre que la présomption d’inno- la famine et la pauvreté dans des
Si la Commission de déclaration cence n’est pas violée, et que l’ap- territoires riches, et se contenter de
des biens est mise sur pied au Ca- plication de la loi dans le temps ne jouir des droits fondamentaux
meroun et que l’infraction d’enri- pose pas problème à l’introduction comme la vie, la liberté et autres.
chissement illicite est consacrée, de l’enrichissement illicite en droit Dans un tel contexte, ces droits fon-
la prescription pourrait commen- interne. Des inquiétudes relatives damentaux sont limités et mal ap-
cer à courir 90 jours après la prise à des obstacles de droit peuvent préhendés.
de fonction des membres car aussi trouver des solutions.
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ceux-ci commenceraient leur tra- La transaction permettant aux uns et
vail à ce moment précis. Mais les aux autres d’échapper à des pour-
assujettis feraient prévaloir qu’ils B. La clarification du légi- suites judiciaires, et éventuellement
ont acquis les biens avant l’entrée slateur quant à certains à toute condamnation , on verrait
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en vigueur de la loi, et donc ils ne obstacles de droit mal comment quelqu’un qui a refusé
devraient être poursuivis pour des Le législateur devra clairement de transiger, tant devant l’adminis-
faits qui ne constituaient pas une dire comment vont se gérer les tration que la justice, devrait être
infraction au moment de leur com- questions relatives à l’amnistie et amnistié, sa mauvaise foi serait éta-
mission. Mais la loi relative à la aux immunités. Et à ce niveau, le blie. Mais les réalités politiques
déclaration des biens et avoirs du paysage politique national (ii) propres à chaque État peuvent ame-
25 avril 2006 est claire : à partir pourrait se démarquer des prescrip- ner à penser le contraire.
du moment où un assujetti ne peut tions conventionnelles (i). L’accent
justifier raisonnablement son pa- sera mis sur l’amnistie, puisque ii. Les réalités politiques du
trimoine, il devra soit restituer la l’immunité fonctionnelle ou per- Cameroun
partie querellée au Trésor Public, sonnelle ne peut justifier l’impuni- Au Gabon, Madame le procureur
soit être poursuivi par le ministère té quant à l’enrichissement illicite. général de la République, Pierrette
public. Cela suppose logiquement DJOUASSA, proposait une loi
que quelque soit le moment de i. Les prescriptions conven- d’amnistie générale pour les faits
l’acquisition des biens, l’origine de tionnelles quant à ces obs- passés avant l’entrée en vigueur
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