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droit  supranational  (A),  ni  le  sonnables  de  son  droit  de  pro- qu'elle  ne  l'est  par  le  droit  in-
         droit  français  (B)  n'ont  vocation  priété antérieur sur lesdits biens  terne.
         à  s'appliquer  au  cas  des  biens  à l’État Partie requis », ou que ce
         confisqués de Teodorin O.          dernier  ait  reconnu  «  un  préju-  B. L'inapplicabilité   de   la
                                            dice  à  l’État  Partie  requérant   règle  interne  du  «  partage
         A. L'inapplicabilité  du  droit    comme  base  de  restitution  des   des avoirs »
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         international  de  la  restitu-    biens confisqués » .
         tion obligatoire                   Cette  obligation  de  restitution   Par la loi n°2010-768 du 9 juillet
                                            instaurée par la CNUCC ne s'ap-    2010,  dite « Loi Warsmann », le
         La Convention des Nations Unies                                       législateur  a  introduit  en  droit
         contre  la  corruption  (CNUCC),   plique  toutefois  pas  aux  biens   interne la règle dite du « partage
         adoptée  le  31  octobre  2003  et   confisqués de Teodorin O. car la   des  avoirs  ».  Celle-ci  résulte  de
         ratifiée  par  la  France  le  9  dé-  République  de  Guinée  équato-  la transposition en droit français
         cembre de la même année, est le    riale est l'un des rares États à ne   de  l'article  16  de  la  décision-
         seul  texte  supranational  à  voca-  pas  avoir  ratifié  la  Convention.   cadre  du  Conseil  européen  n°
         tion  universelle  qui  impose,    Mais  l'analyse  des  dispositions   2006/783/JAI du 6 octobre 2006
         sous certaines conditions, la res-  rappelées  ci-dessus  démontre    relative  à  l'application  du  prin-
         titution interétatique obligatoire   que,  même  si  cela  était  le  cas,   cipe de reconnaissance mutuelle
         et  intégrale  des  biens  confis-  ces  règles  ne  s'appliqueraient   aux  décisions  de  confiscation.
         qués. En pratique, la CNUCC en-    pas  davantage  au  cas  d'espèce.   Elle  s'inscrit  dans  le  cadre  des
         visage  cette  possibilité  dans   Certes,  les  infractions  retenues   dispositions  du  Code  de  procé-
         deux  hypothèses.  D'une  part,    dans  le  cadre  du  jugement  ren-  dure  pénale  (CPP)  relatives  à  la
         dans  les  cas  de  détournements   du le 27 octobre 2017 – à savoir   coopération  internationale  aux
         de fonds  publics  ou  de blanchi-  le  blanchiment  d’abus  de  biens   fins  d'exécution  des  décisions
         ment  de  fonds  publics  sous-    sociaux,  de  détournement  de     de  confiscation  prononcées  par
         traits,  la  Convention  exige  de   fonds  publics,  d’abus  de  con-  des  autorités  judiciaires  étran-
         tout État partie requis la restitu-  fiance et de corruption – entrent   gères.
         tion des biens confisqués à l'État   dans le champ d'application ma-
         partie  requérant,  à  condition   tériel  des  dispositions  de  la   Ainsi,  le  CPP  dispose  que  «  les
                                            CNUCC.  Mais  aucun  jugement
         que la confiscation ait été exécu-  définitif n'a été rendu par la jus-  sommes d'argent recouvrées et le
         tée, dans le cadre de la coopéra-  tice équato-guinéenne. Si la Con-  produit  de  la  vente  des  biens
         tion  internationale,  et  sur  la   vention  reconnaît  la  possibilité   confisqués  [...]  sont  dévolus  à
         base  d'un  jugement  définitif    aux  autorités  françaises  de  re-  l'État  français  lorsque  ce  mon-
         rendu  dans  l'État  partie  requé-  noncer  à  cette  première  exi-  tant  est  inférieur  à  10  000  €  et
         rant,  exigence  à  laquelle  l'État   gence, ce n'est pas le cas pour la   dévolus pour moitié à l'État fran-
         partie  requis  peut  renoncer .   seconde. Or, la confiscation des   çais et pour moitié à l'État requé-
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         D'autre part, dans le cas du pro-  biens de Teodorin O. n'a pas été   rant  dans  les  autres  cas  » .  En
         duit  de  toute  autre  infraction   exécutée dans le cadre de la coo-  d'autres  termes,  le  législateur
         prévue  par  la  CNUCC,  notam-    pération internationale mais sur   exige  que  les  sommes  d'argent
         ment  la  corruption  d'agents  pu-                                   confisquées  ou  résultant  de  la
         blics  étrangers,  la  Convention   la  base  d'une  décision  unilaté-  vente  des  biens  confisqués
         établit  la  restitution  obligatoire   rale  rendue  par  la  justice  fran-  soient  partagées  de  manière
                                            çaise.  Les  autorités  équato-
         des  biens  confisqués  par  l'État                                   égale  entre  l'État  français  et
         requis  à  l'État  requérant,  à  con-  guinéennes n'ont nullement coo-  l'État partie requérant lorsque le
         dition que la confiscation ait été   péré  et  se  sont  même  au  con-  montant  de  ces  sommes  est  su-
         exécutée dans le cadre de la coo-  traire vivement opposées à cette   périeur  à  10  000  €.  Toutefois,
         pération internationale et sur la   procédure.                        l'État  français  n'est  lié  que  si,
         base  d'un  jugement  définitif  Les  conditions  fixées  par  la  d'une  part,  la  confiscation  ré-
         rendu  dans  l'État  partie  requé- CNUCC  n'étant  pas  remplies,  la  sulte  d'une  décision  prononcée
         rant,  exigence  à  laquelle  l'État  France  n'est  donc  pas  astreinte  par  la  juridiction  étrangère,  et
         partie  requis  peut  renoncer  (cf.  par le droit supranational à res- si, d'autre  part,  cette  décision a
         supra), et que l'État partie requé- tituer  les  biens  confisqués  de  été  exécutée  sur  le  territoire  de
         rant ait fourni « des preuves rai- Teodorin  O.,  pas  plus  d'ailleurs  la République .
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